la nuit

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Tisons dans la nuit
Bernard B. Dadié
Nègres de toutes les couleurs,
Et de toutes les latitudes,
hommes des profondeurs et des soutes
gluants de fatigue et titubant de soucis,
Nègres roulant à fond de cale dans le temps,
immergés, submergés, écrasés, écartelés,
dressés pour courir après le pain dit quotidien
et sans cesse trembler à la bourrasque
des maîtres et des courtisans ;

hommes d’aucune confraternité
qui ne sachant ni louer, ni prier, ni ramper,
portons le poids des complaisances ;
clients des bals populaires dans les marchés fétides
des corbillards de sixième classe
des messes de requiem sans apparat

Nègres de toutes les couleurs,
de toutes les lisières, de toutes les frontières
vendus au poids d’heures de travail,
tisons dans la nuit,
le soleil à son lever nous retrouve sur le chemin.

Les marchands ont rebâti le temple
Le pain et le vin distribués sur la montagne
aux frères, sont remis sous verrou
Et l’écuelle dans nos mains, bâille
de faim, de soif
nos côtes servent de harpe au vent
le soleil à son lever nous retrouve sur le chemin
Les longues étapes ne nous font pas peur
Nous savons dompter la faim et le froid.

Nègres de toutes les latitudes,
Roulant à fond de cale dans le temps,
Que de nos mains unies
Jaillisse la flamme
Qui éclairera le nouveau trajet de l’homme.

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